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La Franc-maçonnerie : entre tradition et utopie.

La Franc-maçonnerie : entre tradition et utopie.
L'équerre et le compas sur le pavé mosaïque.

  Les multiples rebonds de l’épidémie de Covid-19 et le sentiment d'insécurité qui règne en permanence dans le pays, ont plongé de nombreux Francs-Maçons dans la confusion au point de se demander ce qui était essentiel dans la vie maçonnique et ce qui ne l’était plus.
Les Frères et les Sœurs vont-ils continuer de méditer sur le caractère utopique de leurs convictions morales et spirituelles, ou vont-ils sortir d'une confortable léthargie pour répondre aux besoins d'une société en pleine mutation et élargir la notion d’humanisme à la protection de la nature et la défense de la cause animale?

Un secret introuvable.

  Les Francs-Maçons se complaisent depuis longtemps dans le secret de leur appartenance "entre l’équerre et le compas" ; deux symboles qui évoquent une promesse de justice, de vérité et de fraternité.. Ils ont prêté serment de garder inviolablement le secret Maçonnique, à ne jamais rien dire ni écrire sur ce qu’ils auraient pu voir ou entendre pouvant intéresser l’Ordre. Ils ont le culte du secret qui excite la curiosité des profanes avides d’histoires fantasmagoriques, mais qui reste introuvable puisqu’il n’existe pas.

  Institution philosophique et philanthropique, la Franc-maçonnerie a pour vocation de travailler au perfectionnement intellectuel et social de l’Humanité. Elle s’appuie sur les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, de laïcité et de solidarité. On lui doit notamment la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen qui a été pensée, conçue et écrite dans les loges maçonniques. Elle a aussi pris une part déterminante dans l’abolition de l’esclavage et a apporté un appui efficace dans l’instruction publique pour que tout le monde puisse accéder au savoir. Sa contribution à l’élaboration de lois dites éthiques pour améliorer les conditions de la femme et la dépénalisation de l’IVG, aura été précieuse.

Dépourvue de pouvoir dans la sphère politique, la Franc-maçonnerie s’est progressivement transformée en un réseau social dont les actions humanitaires font appel à la notion de fraternité entre les Hommes. Les loges maçonniques sont devenues des lieux de réflexion où les Maçons pratiquent machinalement les mêmes rituels inspirés de l’un ou l’autre rite originaire des mouvements philosophiques nés en Écosse ou en Angleterre. Une démarche initiatique personnelle propose au Maçon la recherche de sa propre vérité et à s’enrichir de l’expérience des autres.

Devenir Franc-Maçon, n’est pas gratuit.

  Entrer en Franc-maçonnerie si l’on se considère probe et de bonnes mœurs, est aisé. Il suffit d’envoyer une lettre de candidature au siège de l’Obédience à laquelle on souhaiterait appartenir. Un premier contact sera proposé avec le président de la Loge (le « Vénérable Maître ») qui évaluera les motivations du candidat. Des entretiens plus personnalisés seront ensuite diligentés pour s’entretenir de ses croyances religieuses, convictions politiques, et vision de la société. Trois rapports d’enquêtes seront lus devant les membres de la loge qui voteront pour ou contre une admission éventuelle.

  Le principe de vote généralement utilisé est le vote secret par boules blanches et noires. Si ce principe est parfaitement démocratique, le parti pris tente parfois de s’imposer et il arrive que des profanes soient « blackboulés » sans raison. Il est néanmoins rare qu’une demande d’affiliation soit rejetée car les cotisations annuelles qui varient de 350 à 500€ en moyenne, devront servir à couvrir les frais de gestion de l’Obédience et les charges de la loge.

  Devenir Franc-Maçon passe obligatoirement par un rituel d’initiation qui invitera le néophyte à prendre part à une série d’épreuves symboliques. Après avoir prêté serment, le candidat fera partie de la famille des Francs-Maçons ; ses Frères et ses Sœurs le reconnaitront comme tel.
Tout Franc-Maçon s'engage à être assidu aux Travaux de la loge dont il est membre. Les agapes fraternelles en font partie et c'est souvent dans une atmosphère de partage culinaire où la ripaille prend parfois le dessus, que les discussions s’enchaînent dans la bonne humeur, tantôt animées de quelques blagues potaches et souvent jusqu’à des heures tardives.

  Traditionnellement, les tenues débutent à 20h00 et durent plus ou moins deux heures, en fonction des travaux proposés et des « débats » éventuels qui s’en suivront. Pour satisfaire un nombre croissant de retraités plus facilement disponibles, certaines Loges organisent leurs tenues entre l’heure de midi en écourtant la durée des rituels qui se voient alors quelque peu démunis du sens profond de leur cérémonial.

La mixité dans les loges.

  Alors que les Obédiences prônent l’amour universel, les loges uniquement masculines ou féminines, sont souvent considérées comme des structures rétrogrades. Certaines Obédiences ont en effet estimé que le risque de la séduction pourrait troubler la sérénité des travaux. Pourtant, dans les loges mixtes, nombreux sont celles et ceux qui se disent heureux de découvrir que leurs pulsions hormonales ne les empêchent pas de philosopher. Ainsi, dans les loges mixtes comme Le Droit Humain (DH) ou La Grande Loge Mixte de France (GLMF), les expressions qui témoigneraient de galanterie, seraient révolues.  À la G.L.F.F. (Grande Loge Féminine de France), les grades ou fonctions, sont désignés au féminin : Franc-Maçonne, Vénérable Maîtresse, Surveillante, Compagnonne, etc. Dans les Obédiences masculines comme la GLF (Grande Loge de France) ou la GLNF (Grande Loge Nationale Française), les titres, qualités, grades et offices restent au masculin. Au G.O.D.F. (Grand Orient de France) qui reconnaît la légitimité Maçonnique de la mixité, on s’adresse à l’égrégore en commençant par dire : « Mes Frères et mes Sœurs » car les Frères sont plus nombreux et qu’ils étaient là avant. Le masculin générique persistera lorsqu’on s’adresse à une Sœur : « Ma Sœur 1erSurveillant », « Ma Sœur Orateur»…

Un égo surdimensionné.

  Force est de constater qu’il peut exister au sein des loges, un certain «conditionnement pavlovien» de la pensée que l'on pourrait qualifier de sectaire. Ce conditionnement paraît encore plus évident dans les Ateliers dits de « hauts grades » ou « supérieurs » que l’on appelle aussi « Ateliers de perfectionnement ». Ces Ateliers sont en principe destinés à approfondir l’expérience des trois premiers degrés fondamentaux de la Franc-maçonnerie (Apprenti, Compagnon, Maître) vers un cheminement spirituel et moral du grade de Maître Maçon censé être devenu un Maçon accompli. En principe, on ne postule pas pour s’affilier à une loge de perfectionnement, on vous invite à y adhérer, notamment en fonction des besoins de sa trésorerie et si on est titulaire du grade de Maître depuis au moins trois ans. Des rites avec des références christiques assez marquées, viendront enrichir la mythologie des trois premiers grades fondamentaux, comme le REAA (Rite Écossais Ancien et Accepté), le Rite français ou le Rite écossais rectifié.

  Dotés d’un égo surdimensionné, les membres de ce microcosme auquel il serait de bon ton d’appartenir, sont souvent animés d'un réel complexe de supériorité alors que d’une façon générale, les Francs-Maçons cultivés n’y sont pas plus nombreux qu’ailleurs. La Maçonnerie serait un laboratoire de pensée qui ne transforme pas pour autant les Frères ou les Sœurs en philosophes, au sens académique. Les sujets de réflexion habituellement proposés par une minorité d’intellectuels, feront volontiers référence à Condorcet, Kant, Voltaire, Rousseau, Montesquieu, John Locke ou Nietzsche. Hormis quelques rares exceptions, la piètre qualité rédactionnelle de certaines planches, permettra de se demander sur quel critère l’un de ces Maçons a pu être élevé à son grade.

Transformer  l’hypocrisie en vertu.

  Dans ces Ateliers de perfection qui sont en déclin,  la notion de fraternité s'apparente volontiers à une familière camaraderie. Comme dans les " « loges symboliques » ( loges bleues), on y retrouve les plus redoutables défauts de la vie profane. Les Frères et les Sœurs n’y sont pas plus à l’abri de la jalousie ou de la mauvaise foi : il y a peu, sous le prétexte qu’un « malaise local » aurait été provoqué par deux Frères qui souhaitaient inviter un certain Eric Zemmour, alors journaliste et écrivain, à une conférence publique au Cercle Mozart, les présidents des loges de Montpellier et de Lunel ont signé de concert une pétition pour faire exclure ces deux Maçons de l’Obédience. Un des douze signataires de cette pétition pour le moins fallacieuse, se confondra benoîtement en excuses en prétendant s’être fait manipuler. Dans une lettre ouverte qu’il adressera aux Frères et Sœurs des ateliers de Montpellier, il évoquera avec une mauvaise foi évidente, l’attitude volontaire et déloyale avec laquelle ses propres Frères auraient agit: « Qu’elle est la nature de cette maçonnerie qui échafaude des parcours et des tactiques politiciens ? S’il y a des preuves de forfaitures, où les trouve-t-on ? », avait-il osé écrire.
Quant à la Chambre Suprême de Justice Maçonnique (CSJM), elle finira par réformer sa décision d’exclure ces deux Frères. Seul un blâme sera retenu !

 Les Maçons se disent humanistes avant tout. Ils s’interdisent toute forme de prosélytisme et certaines Obédiences se refuseraient de traiter de questions politiques ou religieuses dans leurs loges. Certaines sont pourtant « classées » en fonction des opinions politiques de leurs membres : la GLDF (Grande Loge De France) est classée à droite, tout comme la GLNF (Grande Loge Nationale Française). Le GODF (Grand Orient de France), est plutôt encré à gauche, comme le DH (Droit Humain) et la GLFF (Grande Loge Féminine de France), etc.

  Les symboles constituent un langage universel de la Franc-maçonnerie, mais les grands principes qu’ils évoquent ne trouvent pas toujours leur mise en œuvre dans la vie profane. Dans la plupart des Obédiences, c’est le règne de la bien-pensance. Le «politiquement correct» que l’on pourrait appeler «maçonniquement correct», est majoritaire. Les Maçons proclament la liberté de conscience, mais la liberté de parole est bien souvent encadrée. Dans certaines loges, il y a des bornes à ne pas dépasser qui s’interdisent tout travail sur les sujets religieux ou politiques. Les problèmes de la cité, de l’intégration ou de l’assimilation, y sont généralement inabordables, tabous ! Les maçons en parlent parfois entre eux, mais pour ainsi dire jamais en loge. Si certains Maçons aiment faire preuve d’éloquence, d’autres restent confrontés à la crainte de ne rien oser dire. Avoir un avis contraire peut aussi être perçu comme une prise de position, de l’autoritarisme, voire même, un manque de tact. En Franc-maçonnerie on ne peut pas toujours dire ce qu’on pense. L’adage « un maçon libre dans une loge libre » complète la notion du devoir maçonnique en fonction des contraintes imposées par les différentes Obédiences.

  La Franc-maçonnerie se dit n’être ni de gauche, ni de droite. Elle se réclamerait seulement d’un humanisme universel pour guider la morale du Maçon dans ses loges et dans la vie profane, tout en acceptant néanmoins certaines compromissions avec le pouvoir politique en place. C’est ainsi qu’en aparté, d’aucuns osent exprimer l’une ou l’autre pensée politique de gauche, d’extrême gauche, trotskiste, libérale et même « d’extrême droite » ; expression polémique indéfinissable qui caractériserait certains mouvements politiques dont l’appartenance serait strictement interdite à tout Franc-Maçon.
Si dans le monde profane on reconnait volontiers que le copinage existe et qu’il s’exerce le plus souvent à visage découvert, chez les Francs-Maçons, c’est l’appartenance qui permettrait d’aider secrètement les Frères ou les Sœurs, parfois même en alléguant la partialité, la collusion et l'incompétence d’un juge.

  Être Franc-Maçon serait un péché grave pour l’Église catholique. Alors certains Maçons préfèrent cacher leur appartenance pour assister en famille à la messe du dimanche. Etre discret ou secret, serait une manière d'éviter  de prendre position, même si d'aucuns éprouvaient le besoin de s’affirmer en exclamant un « à bas la calotte » à la fin de l’une ou l’autre Tenue.

Le déclin moral d’une société.

  Si la Franc-maçonnerie a eu une certaine influence sur le pouvoir politique au cours de la IIIe République, aujourd’hui, elle semble se développer seulement pour elle-même. Son «combat» pour la laïcité s’épuise face à la montée d’un fondamentalisme islamique qui s’inscrit dans un courant idéologique « politico-religieux ».
Nombreux élus font mine d’ignorer les conflits interethniques et religieux qui témoigneraient de l’existence d’un communautarisme dans leur commune ; de quoi éviter de traiter les problèmes d’immigration, d’intégration, d’assimilation, de stigmatisation et d'islamophobie, même si l'Islam, de par sa loi fondamentale, cherche à imposer ses conceptions de la vie quotidienne. On pourrait aussi ajouter de « racisme », que d’aucuns associent erronément mais bien volontiers, à toute forme de discrimination religieuse.

  On n’entend pas les Frères et les Sœurs réagir ouvertement dans les loges pour s’insurger contre l'exploitation d’êtres humains à des fins domestiques, mariages forcés et autres contraintes imposées d’autorité religieuse ou coutumière par une certaine population venue d’Afrique qui continue d’exercer librement des mutilations génitales à l’encontre de très jeunes filles.
On ne les entend pas non plus réagir face au repli identitaire de citoyens qui redoutent la place que prendraient l’importante majorité des immigrés et le racisme anti-blancs qui serait de plus en plus répandu.
On ne les entend pas réagir face à la surexploitation des ressources naturelles, l’eau ou les sols, le surpâturage des terrains agricoles, la surpêche, la chasse excessive dans nos campagnes et forêts où les chasseurs règnent en « maître » et tuent par loisir un animal sauvage ou d’élevage dans des espaces qu’ils se sont appropriés, sous le prétexte de contrôler la croissance de ces populations.
On ne peut que s’attrister de voir des Frères et des Sœurs applaudir la victoire de l’homme sur l’animal dans une parodie de mise à mort sacrificielle derrière laquelle se cache la souffrance proposée en spectacle ; l’art et la culture étant invoqués pour justifier le raffinement des pires cruautés dans ces combats entre l’homme et la bête.
On ne peut que s’offusquer aussi de la passivité des Francs-Maçons face à cette tradition religieuse archaïque qui consiste à égorger le mouton sur la place publique ou dans la baignoire de la salle de bain pour préparer l’Aïd al-Adha, la fête du sacrifice, alors que cette pratique d’égorgement est exploitée par les salafistes ou les Frères musulmans pour promouvoir une vision meurtrière d’un Islam que l’on dit, politique. Si cette pratique est à considérer comme un phénomène  économique à prédominance musulmane, l'abatage rituel est aussi une pratique de la religion juive.

  Bien que la cause animale interpelle le monde profane, elle reste absente des rituels maçonniques. Georges SÉRIGNAC, médecin vétérinaire, élu Grand Maître du GODF avait dit s'interroger sur « les capacités humaines d'empathie (…), l'indifférence ou l'ignorance de la souffrance animale et aussi envisager une approche conceptuelle qui viserait à construire une pensée qui s'élabore dans la durée et sans précipitation, avec le recul que permet « le pas de côté » et « le temps long ».
 Comme en politique, il faudra donc attendre que la Franc-maçonnerie prenne d’abord le temps de s’interroger sur ses capacités d’empathie pour "construire une pensée qui s'élaborerait dans la durée et sans précipitation" !

ILS ONT PERDU LEURS REPERES

  Dans les Loges où la moyenne d’âge varie de 58 à 70 ans, il semble que les Frères et les Sœurs ne retrouvent plus l’essentiel des grands principes maçonniques qu’ils souhaiteraient mettre en œuvre dans la vie profane. Plongés dans une forme d’apathie déconcertante, ils seraient nombreux à avoir perdu leurs repères dans ce long chemin initiatique tout en continuant de se gargariser des valeurs de la Franc-maçonnerie. Le culte du secret, les menaces d’un intégrisme religieux à l’encontre des institutions laïques, découragent aussi les jeunes qui hésiteraient à franchir le pas de l’initiation.

  Pour éviter que les uns et les autres ne désertent les rangs, des Tenues sont proposées via Internet en visioconférence pour aider les Frères et les Sœurs à préserver la chaine d’union. Des émissions radios, des Universités Populaires, des Cérémonies mémorielles suivies de conférence-débats publiques, proposent divers aspects de réflexions sociologiques pour la défense de la laïcité. Des hommages sont rendus à la mémoire de Samuel PATY, professeur de l’Éducation nationale, victime du terrorisme islamiste, assassiné le 16 octobre 2020 par décapitation pour avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves. Ce triste jour est devenu un symbole du courage et de la résistance alors que l’on assiste au retour des peurs, des obscurantismes, des haines xénophobes, des dérives idéologiques comme la théorie du genre, Me Too, le Transgenre, le Wokisme, qui tentent d’imposer un discours « racialiste » comme autre forme de terrorisme intellectuel.

  La Franc-maçonnerie serait une école moderne de sagesse initiatique qui aurait pour but d'aider l'être humain à se construire en proposant une richesse intellectuelle à laquelle tout le monde ne pourrait prétendre.  
« Masturbation intellectuelle », diront les uns qui restent persuadés que les Maçons sont formatés pour que leur cheminement intellectuel puisse se poursuivre à condition de garantir le paiement d’une cotisation à leur association.

« Faut-il d’abord apprendre à s’améliorer soi-même avant de songer à améliorer la société, ou bien faut-il mener de front la démarche initiatique et l’engagement citoyen pour agir dans la société ? », se demandait un Frère, il y a déjà quelques années.  

Imaginer que l’avenir pourrait inviter les Frères et les Sœurs à réinventer une nouvelle façon de vivre la Franc-maçonnerie, ne semble pas utopique.

J'ai dit.